Mis à jour le 28 octobre 2020
« La photographie est la vérité. Le cinéma est la vérité vingt-quatre fois par seconde.»- Jean-Luc Godard
De quoi parle-t-on quand on parle de cinéma? Au cours de son remarquable parcours pour devenir une forme d’art majeure, le cinéma s’est imposé comme partie intégrante de notre culture. Cela a changé la façon dont nous traitons l’art, créant une expérience beaucoup plus immersive pour le public moderne qui appartient à «la société du spectacle». Comme toutes les autres disciplines artistiques, le cinéma n’a cessé d’évoluer depuis sa conception et il évolue encore à ce jour et il continuera de le faire. Cependant, très peu de moments de l’histoire du cinéma ont été aussi influents que la nouvelle vague française (La Nouvelle Vague).
Après la seconde guerre mondiale, la France s’est retrouvée libérée de la censure nazie et les films étrangers ainsi que les films français précédemment interdits comme ceux de Jean Renoir étaient à nouveau facilement accessibles au public. Les grands hollywoodiens comme Alfred Hitchcock, John Ford et Orson Welles ont été intensivement étudiés par des critiques français qui idolâtraient la manifestation de leurs visions artistiques uniques dans les films qu’ils ont réalisés. Cela a également donné naissance à une nouvelle théorie cinématographique appelée la caméra-stylo, introduite par Alexandre Astruc dans son manifeste de 1948. Astruc a fait valoir que le réalisateur était comme l’auteur d’un roman et que la caméra était la plume du cinéaste. Décrivant ce nouveau phénomène comme «une forme sous laquelle et par laquelle un artiste peut exprimer ses pensées, aussi abstraites soient-elles, ou traduire ses obsessions exactement comme il le fait dans l’essai ou le roman contemporain», l’essai d’Astruc a joué un rôle central dans la formation de la théorie d’auteur bien connue qui révolutionnerait le cinéma à jamais.
La distinction entre un film réalisé par un studio et un film issu de l’imagination d’un réalisateur définit les sensibilités artistiques devenues si caractéristiques de la Nouvelle Vague française. C’est à cette époque que les Cahiers du cinéma, magazine cinématographique emblématique cofondé par le célèbre théoricien du cinéma André Bazin, emploient comme critiques de cinéma certains des futurs cinéastes les plus en vue de la Nouvelle Vague. L’illustre groupe comprend des personnalités telles que François Truffaut, Jean-Luc Godard, Éric Rohmer, Claude Chabrol et Jacques Rivette, critiques qui deviendront plus tard réalisateurs avec leurs propres interprétations de ce que le cinéma devrait mais unis par une obsession commune: la cinéphilie sans vergogne. C’est peut-être leur vaste connaissance de la tradition cinématographique qui a aidé ces jeunes innovateurs à identifier ce qui n’allait pas dans le cinéma grand public contemporain et pourquoi utiliser le mot «tradition» pour parler de cinéma signifiait limiter les possibilités du cinéma.
Lorsque Godard et Truffaut écrivaient pour les Cahiers du cinéma, il existait un langage cinématographique strict et défini que les films devaient suivre aveuglément. Surtout en ce qui concerne le montage de films et les styles narratifs, il était essentiel que les nouveaux cinéastes suivent les formules éprouvées défendues par leurs prédécesseurs. Des mouvements de caméra aux conceptions sonores, la théorie dominante était de faire oublier au public qu’il regardait un film, mais les réalisateurs français de la Nouvelle Vague n’étaient pas d’accord. Ils ont étudié ces «conventions» uniquement pour se rendre compte qu’ils pouvaient tout aussi bien trouver leurs propres règles et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Alors, quels étaient les principes de la compréhension de la Nouvelle Vague française du médium cinématographique?
L’écart le plus évident par rapport aux normes hollywoodiennes était le fonctionnement de la caméra. Il avait sa propre agence et a par conséquent développé sa propre voix, ajoutant une dimension indispensable à ce que signifiait le récit visuel au cinéma. Les trépieds ont été remplacés par des appareils photo portables, libérant l’appareil photo de la tyrannie de la logique. Brisant la règle commune de l’axe de 180 ° du mouvement de la caméra, les cinéastes de New Wave ont utilisé des montages audacieux et des sauts fréquents pour souligner que le cinéma n’a pas à refléter la réalité uniquement à travers les règles strictes du réalisme. Il peut faire beaucoup plus en subvertissant les attentes voyeuristes et en expérimentant les divisions entre réalité et fiction. Au centre de cette rébellion contre le cinéma grand public se trouvait Jean-Luc Godard. Dans ses films comme Breathless (1960) et Pierrot le Fou (1965), Godard a défié le montage conventionnel en étant le pionnier de sa propre marque de réalisme: employant des sauts pas si subtils pour critiquer la tromperie du montage cinématographique, brisant le quatrième mur (qui influencé les réalisateurs de New Hollywood comme Woody Allen) et l’utilisation de longues prises et d’une concentration profonde.
L’intrigue a pris un recul dans les œuvres d’auteurs français de la Nouvelle Vague parce qu’ils estimaient que le récit littéraire était de peu d’importance dans le médium visuel du cinéma. A travers leur montage, ils ont cherché à rappeler constamment au public que filme une séquence d’images flottant dans leur conscience. Cet esprit d’improvisation était également visible dans les dialogues décousus et dans l’organisation des figurants ou de la mise en scène, cette dernière étant très différente du réalisme offert par l’expressionnisme allemand. Les réalisateurs français de la Nouvelle Vague ont préféré tourner sur place, ce qui les a aidés à filmer avec des budgets relativement bas sans être contrôlés par des studios de cinéma. Comme Godard, Truffaut a également critiqué les films grand public de cette période qui étaient en grande partie des adaptations cinématographiques de romans célèbres. En 1958, il a condamné le Festival de Cannes pour «récompenser la médiocrité sans inspiration» et a été rapidement banni du festival. Un an plus tard, il revient et remporte le prix du meilleur réalisateur avec son chef-d’œuvre Les 400 coups (1959).
(Crédit: Le Petit Soldat)
Parallèlement au groupe des Cahiers du cinéma, la France a également vu naître un autre mouvement connu sous le nom de «Rive gauche». Ces deux groupes n’étaient pas en opposition mais leurs sensibilités n’étaient pas vraiment compatibles. Les réalisateurs de la rive gauche, dont Agnès Varda, Chris Marker et Alain Resnais, étaient plus âgés que leurs contemporains et n’étaient pas aussi concernés par la distinction entre le cinéma et les autres formes d’art. Ils se sont inspirés de la littérature et des éléments du mouvement nouveau roman se retrouvent souvent dans leurs films. La séquence de départ d’Hiroshima Mon Amour (1959) de Resnais utilise également un flot d’images pour surprendre le spectateur mais d’une manière différente, sans renverser les conventions de la réalisation cinématographique mais plutôt en attaquant les préjugés éthiques du spectateur. Godard a fait l’éloge des directeurs de la Rive Gauche et est même apparu dans Cléo d’Agnès Varda du 5 au 7 (1962), mais a soutenu qu’ils représentaient «leur propre fonds de culture» et étaient séparés de la Nouvelle Vague.
Il est presque impossible de retracer complètement l’influence écrasante de la Nouvelle Vague française sur le cinéma contemporain parce que leur langage cinématographique est devenu largement apprécié, vénéré pour son irrévérence caractéristique. De Martin Scorsese à Quentin Tarantino, certains des cinéastes les plus acclamés n’ont cessé d’affirmer que regarder les œuvres de la Nouvelle Vague française leur montrait à quel point le processus de réalisation de films pouvait être libérateur. En parlant de Godard, Tarantino a expliqué comment le réalisateur français a façonné ses premières sensibilités esthétiques postmodernes: «Son absence totale de tout type de style de film, voulant juste faire des films par amour. Godard est celui qui m’a appris le plaisir, la liberté et la joie d’enfreindre les règles. Je baise avec tout le médium.
Ce qui est absolument étonnant, c’est que la Nouvelle Vague française continue! Le dernier travail de Godard, The Image Book, est sorti en 2018 et il est tout aussi expérimental (sinon plus) que ses œuvres des années 60. Peut-être que nous ne pouvons plus l’appeler la Nouvelle Vague française car un mouvement ne peut pas rester nouveau pendant plus d’un demi-siècle, mais il vaut vraiment la peine d’y prêter attention. 60 ans après Breathless, Godard est-il toujours en avance sur son temps ou confondons-nous onaniste avec l’avant-garde? Je crois fermement que c’est le premier.
https://www.youtube.com/watch?v=gjt7WqkUNGM
-
Business model : nouvelle génération : un guide pour visionnaires, révolutionnaires et challengers Alexander Osterwalder, Yves Pigneur PearsonAlexander Osterwalder, Yves Pigneur28,76 €